L’emploi du terme d’apartheid pour qualifier le régime israélien ne
relève pas d’un simple artifice oratoire visant à assurer tout de go aux
Palestiniens une quelconque préminence morale, celle que procure la
condition victimaire, source principale, aujourd’hui, dans la
signalétique idéologique, de « légitimité ». Pour être légitime, pour
revendiquer un (nouveau) droit, on se dit « victime ». Nous vivons en
effet dans une ère d’abaissement et de nivellement des individus par le
bas, dans laquelle la souveraineté, l’affirmation de soi est tenue pour
un « péché ». Il faut être victime…En l’occurrence, ceux qui ont l’accusation d’apartheid à la bouche
s’inscrivent dans l’arène de ce que certains ont appelé la « concurrence
des victimes ». L’argument de la Shoah est implicite dans leur discours
partent et la supposition que la seule justification de l’existence de
l’Etat découle de la Shoah, une victimitude à laquelle les Palestiniens
ne peuvent pas objectivement se mesurer. On sait le contre récit, la
Nakba, qui fut inventé pour à la fois surfer sur la victimitude des
Juifs et la retourner en accusation contre eux, selon la logique d’un de
leurs portes paroles qualifiant les Palestiniens de « victimes des
victimes » alors même que leur sort fut la conséquence d’une agression
de plusieurs pays arabes et des Arabes de Palestine mandataire pour
exterminer le jeune Etat d’Israël au lendemain de la Shoah et de
l’expulsion de 900 000 Juifs des pays arabes. Mais il y a un sens plus profond, psychanalytique, à l’emploi du
terme d’apartheid. Il repose sur un triple déni: les Juifs ne sont pas
un peuple, leur existence collective est acquise de par
« compensation », ils n’ont aucun antécédent en « Palestine », les
Arabes ne sont pas responsables de la Shoah: ils sont innocents. Ce qui
revient à dire que l’existence même d’un peuple israélien sur
l’arrière-plan d’un génocide, d’une destruction d’humanité ayant portée
universelle, équivaut à un acte de négation et d’effacement
d’ »apartheid », des Palestiniens. Être israélien (et en fait à ce
niveau de généralité (via le Shoah, juif) équivaut intrinsèquement, dans
la chair même de cette existence à une négation des autres. Les
Israéliens se voient ainsi racialisés du fait de leur existence et tout
ce qui n’est pas eux, dans ce territoire où ils n’ont aucune légitimité,
est voué à un apartheid raciste. L’antisionisme devient subrepticement,
une cause humanitaire, une affirmation anti raciste. Si vous existez,
c’est que vous êtes racistes. Et donc Israël= apartheid. Il est question
ici d’essence et pas de comportement. L’accusation d’apartheid:
expression d’un racisme tout simplement antijuif déguisé en anti
racisme! Ce renversement de situation connait une version plus courante,
notamment dans les pays européens, qui transparaît dans ce que la « loi
contre le séparatisme » voulait corriger, en France. Le terme de
« séparatisme » nous éclaire; il y a là en fait une tactique à laquelle
recourent les activistes de l’islam: ils se mettent à l’écart de la
société dans laquelle ils vivent et l’accusent en retour de les exclure
et de les ségréguer: ils l’accusent tout bonnement d’être raciste ou, le
comble, d’être coloniale, une accusation piquante quand elle émane de
ceux qui n’ont pas eu le courage d’assumer la charge de l’indépendance
de leur pays lors, de la décolonisation, et ont préféré rejoindre
l’ancienne métropole, consacrant ainsi l’échec de la décolonisation, de
la « libération » des colonisés!
Article publié initialement sur Menora.info